Les carnets du maquis par Fernand Lesage
Episode 3
[Tensions entre résistants FTPF / BOA]
La vie du groupe continue. Régulièrement, je vois l’agent de liaison aux endroits de rendez-vous fixés. Je reçois des ordres, de l’argent à partager entre les réfractaires, des tickets et plus tard, des cartes d’alimentation. Par Michel, je reçois également des fausses cartes d’identité et de faux certificats de travail.
Le groupe a surtout une mission de renseignement importante à remplir. C’est ainsi que je transmets au responsable militaire un plan détaillé du poste de guet allemand installé à Bellechaume. La présence de chiens fit remettre pendant longtemps un coup de main qui se serait pourtant avéré fructueux par la capture d’armes et de matériel de liaison. Encore une occasion manquée, car je ne crois pas que les boches, surpris, eussent offert une bien grande résistance. Je surveille les allées et venues des troupes qui cantonnent par intermittence tant à Sancerre qu’à St-Satur. Entre-temps, j’ai engagé un bon camarade de St-Satur dont les renseignements seront très précieux contre des membres dangereux de la Gestapo. Grâce à lui, ils seront abattus quelques temps après (il s’agit de la famille Jongis, dont l’activité néfaste a été reconnue lors du procès Paoli).
Malheureusement, en dépit de nos recommandations, Aimé a bavardé un peu trop sous l’emprise du Sauvignon. Et notre présence inquiète quelques agents du B.O.A.[1]camouflés dans le village.
Pendant plusieurs semaines, c’est une lutte sourde entre eux et nous, dissimulée sous une apparente conciliation. Ils tentent de nous diviser, de diminuer notre prestige par une campagne politique anti communiste, et ils viennent même me proposer en finale de m’associer à eux, nous promettant des armes et de l’argent. Je connaissais mal à l’époque les déchirements intérieurs de la Résistance, et je m’étonnais fort de ces avances. L’un de ces agents se montrait particulièrement actif, il avait probablement peur que notre groupe exécute contre lui une mission d’espionnage, et il est enfin certain que la majorité des membres du B.C.R.A.[2] étaient anti-communistes donc contre les F.T.P.[3]
Inquiet de cet état de chose, je le signale au responsable militaire, par l’intermédiaire de mon agent de liaison. La réponse est formelle « Vous n’avez aucun ordre à recevoir d’une organisation autre que la nôtre, restez en bons termes avec Robert et ses amis, mais ne les suivez pas, ouvrez vos oreilles et vos yeux et surveillez vos paroles. Ne donnez aucun détail sur ce que vous connaissez des F.T.P. »
[1]Bureau des Opérations Aériennes.
[2]Bureau central de renseignements et d'action : service de renseignement et d'actions clandestines de la France Libre à Londres.
[3]Francs-Tireurs et Partisans Français : mouvement de résistance proche du parti communiste.